En 2025, la consommation de clips musicaux en France franchit un nouveau cap : jamais l’écart n’a paru si ténu entre l’audience numérique et l’audience linéaire. Le streaming, qui représentait déjà 138 milliards d’écoutes audio‑vidéo en 2024 , continue d’alimenter un appétit insatiable pour l’image musicale, tandis que les chaînes spécialisées – de NRJ Hits à CStar – se réinventent pour rester prescriptrices. Panorama des vidéoclips que l’Hexagone a le plus regardés depuis le 1ᵉʳ janvier 2025.
La déferlante rap‑pop francophone sur le Web
Au sommet des tendances YouTube figure toujours Gims. Sorti au cœur de l’hiver, Spider – son featuring avec Dystinct – a franchi la barre des 145 millions de vues en l’espace de onze mois, faisant du tandem le premier représentant francophone du « club des 100 millions » en 2025 . L’artiste poursuit l’offensive début mars avec Ciel, dont le clip dépasse 43 millions de vues trois mois après sa mise en ligne, confirmant l’alignement de quatre singles diamant consécutifs (Spider, Sois pas timide, Ciel puis Ninao) dans les charts nationaux .
Cette cadence illustre un phénomène : le rap français capte aujourd’hui plus de 50 % des vues mensuelles de clips dans l’Hexagone, un record nourri par l’effet TikTok et par les activations très ciblées des labels sur les playlists « tendances ».
Pop internationale : le milliard s’invite dans les foyers
Si le rap local règne, la pop internationale n’est pas en reste. L’événement visuel de l’année reste Die With A Smile, duo surprise de Lady Gaga et Bruno Mars : en avril, le clip dépasse le milliard de visionnages moins d’un an après sa sortie, devenant la quatrième vidéo de la chanteuse et la dixième du crooner hawaïen à franchir cette barre symbolique . En France, le titre occupe le Top 5 des plus partagés sur Instagram Reels et figure chaque semaine dans le EuroHot 30 radio.
Autre sensation, l’Italien Damiano David – frontman de Måneskin passé en solo – décroche 16 millions de vues avec Born With a Broken Heart et se hisse dans le Top 3 des singles digitaux en février .
Les révélations nationales : Louane et Lola Young bousculent la hiérarchie
Côté talents émergents, deux clips créent la surprise. Louane, choisie pour représenter la France à l’Eurovision, dévoile Maman le 30 avril. Cinq jours plus tard, la vidéo affiche déjà 116 000 vues, mais la véritable exposition se joue à la télévision : sa première diffusion, en direct lors de la finale du Tournoi des Six Nations, a réuni près de 9 millions de téléspectateurs sur France 2 . Un amortisseur d’audience que ne saurait égaler la diffusion numérique seule.
Outre‑Manche, la Britannique Lola Young réussit l’exploit inverse : portée par TikTok, son clip Messy entre directement numéro 1 du Top Singles français début mai . Sur le plan vidéo, il totalise déjà plus de 12 millions de vues mondiales, dont près d’un quart émanent d’adresses IP françaises, selon les estimations de Chartmetric.
Télévision : pourquoi l’airplay clip compte encore
On aurait tort d’enterrer la télévision musicale : selon Yacast, un clip à gros potentiel continue de gagner en moyenne 4 expositions par jour sur les onze chaînes du panel. À titre de référence, Flowers de Miley Cyrus avait été diffusé près de 8 000 fois sur NRJ Hits, M6 Music ou W9 sur l’année 2023 . En 2025, les premières tendances mettent en avant Ciel et Messy, omniprésents dans les HITS NRJ du moment . La rotation télévisuelle reste donc un multiplicateur d’audience, notamment auprès d’un public encore attaché au rendez‑vous linéaire du matin ou du prime time week‑end.
Usages : de la viralité courte aux écrans géants
Ce succès tient aussi à l’évolution des formats de partage. Entre le « Short » de quinze secondes et la séance de home‑cinéma sur télé connectée, le clip vit sur plusieurs écrans. Les communautés de fans n’hésitent plus à convertir mov en gif pour immortaliser la chorégraphie d’un refrain ou un clin d’œil visuel et relayer ces animations sur les réseaux sociaux, amplifiant ainsi la portée organique à un coût zéro pour les maisons de disques.
Quelle lecture pour l’industrie ?
Trois enseignements se dégagent :
- Hybridation des circuits : un lancement numérique efficace appelle presque immédiatement un relais télévisuel pour conquérir un public plus large et plus âgé, comme le montre le cas Louane.
- Puissance de la narration visuelle : plus que la simple captation, les artistes soignent leurs clips comme de véritables courts‑métrages – Die With A Smile convoque l’esthétique sci‑fi rétro, tandis que Born With a Broken Heart rend hommage à la comédie musicale hollywoodienne.
- Segmentation des audiences : le rap français convertit massivement les 15‑34 ans en ligne, mais la pop internationale réalise l’exploit de réunir plusieurs générations devant un téléviseur 4K.
Conclusion
Entre records de vues, diffusions télévisées stratégiques et mobilisation communautaire, 2025 marque la pleine maturité du clip musical en France. Le modèle hybride qui voit cohabiter plateformes globales et chaînes thématiques semble parti pour durer : Gims en profite pour s’installer durablement au sommet, Louane confirme qu’un moment de télévision peut encore faire événement, et Lady Gaga prouve qu’un milliard de vues reste une étape symbolique forte. Dans un paysage où chaque nouvelle sortie s’accompagne de filtres TikTok et de déclinaisons verticales, la vidéo demeure plus que jamais le cœur battant de l’économie musicale française.
